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DÉPARTEMENT «OPÉRATIONS» |
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L123 |
Rejet d’une demande de marque de l’Union européenne
(article 7 et 42, paragraphe 2, du RMUE)
Alicante, 17/12/2018
CABINET VIÈL
9, Rue des Jardins
F-57520 Grosbliederstroff
FRANCIA
Demande Nº: |
017949616 |
Vos références: |
18-249MEM_COOL_N_FRUIT_Martz |
Marque: |
COOL N' FRUIT
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Type de marque: |
Marque verbale |
Demanderesse: |
Didier MARTZEL 50 rue des alliés F-57410 ROHRBACH LES BITCHE FRANCIA |
En date du 01/10/2018, l’Office, après avoir constaté que la marque en cause est dépourvue de caractère distinctif, a soulevé une objection conformément à l’article 7, paragraphe 1, point b), et paragraphe 2, du RMUE, pour les motifs exposés dans la lettre ci-jointe.
En date du 27/11/2018, la demanderesse a présenté ses observations qui peuvent se résumer comme suit:
Le public pertinent, à savoir le consommateur moyen, utilisera systématiquement le signe déposé pour désigner les produits marqués « COOL N’FRUIT » et ne percevra donc pas ce signe comme un slogan promotionnel élogieux.
La combinaison d’un adjectif « COOL », d’une conjonction de coordination, « N’ » et d’un nom commun, « FRUIT » présente, au regard des règles régissant la langue anglaise, un caractère inhabituel qui sera immédiatement perçu par le public pertinent.
l‘orthographe exacte de l’expression « COOL N' FRUIT » étant « COOL N' FRUITY », le signe déposé n'a donc aucune signification.
Même si le signe pouvait être perçu comme un slogan, il n’en serait pas moins enregistrable selon la Cour de Justice.
Conformément à l’article 94, du RMUE, l’Office est tenu de prendre une décision fondée sur des motifs sur lesquels la demanderesse a pu prendre position.
Après un examen approfondi de l’argumentation présentée par la demanderesse, l’Office a décidé de maintenir son objection.
Conformément aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, point b), du RMUE, sont refusées à l’enregistrement «les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif».
Il est de jurisprudence constante que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du RMUE est indépendant des autres et exige un examen séparé. En outre, il convient d’interpréter lesdits motifs de refus à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux. L’intérêt général pris en considération lors de l’examen de chacun de ces motifs de refus doit refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause (16/09/2004, C‑329/02 P, SAT/2, EU:C:2004:532, § 25).
Les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, point b), du RMUE sont notamment celles qui ne permettent pas au public pertinent de faire, lors d'une acquisition ultérieure, le même choix si l'expérience s'avère positive ou de faire un autre choix si elle s'avère négative (27/02/2002, T‑79/00, Lite, EU:T:2002:42, § 26). Tel est le cas, notamment, des signes qui sont communément utilisés pour la commercialisation des produits ou des services concernés (15/09/2005, T‑320/03, Live richly, EU:T:2005:325, § 65).
L’enregistrement «d’une marque composée de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par cette marque n’est pas exclu, en tant que tel, en raison d’une telle utilisation» ((04/10/2001, C‑517/99, Bravo, EU:C:2001:510, § 40). «De plus, il convient de relever qu’il n’y a pas lieu d’appliquer aux slogans des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres types de signe» (11/12/2001, T‑138/00, Das Prinzip der Bequemlichkeit, EU:T:2001:286, § 44).
Bien que les critères d’appréciation du caractère distinctif soient les mêmes pour les diverses catégories de marques, il peut apparaître, dans le cadre de l’application de ces critères que la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories, et que, dès lors, il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif pour certaines catégories de marques que pour d’autres (29/04/2004, C‑456/01 P & C‑457/01 P, Tabs, EU:C:2004:258, § 38).
En outre, il est également constant que la perception des marques par le public pertinent est influencée par son niveau d’attention, qui est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (05/03/2003, T‑194/01, Soap device, EU:T:2003:53, § 42; et 03/12/2003, T‑305/02, Bottle, EU:T:2003:328, § 34).
Un signe, tel un slogan, qui remplit d’autres fonctions que celle d’une marque au sens classique «n’est distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, point b), du RMUE, que s’il peut être perçu d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des produits ou services visés afin de permettre au public concerné de distinguer sans confusion possible les produits ou services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale» (05/12/2002, T‑130/01, Real People, Real Solutions, EU:T:2002:301, § 20 ; et 03/07/2003, T‑122/01, Best Buy, EU:T:2003:183, § 21).
A cet égard, et pour répondre au dernier argument de la demanderesse, ce n’est en effet pas en raison du fait qu’un signe constitue un slogan que ce signe doit être refusé à l’enregistrement mais uniquement parce qu’il est incapable de distinguer un produit ainsi marqué d’un produit identique ou du moins similaire ayant une autre origine commerciale.
En l’espèce, la question qui se pose est donc de savoir quel sens au regard des produits revendiqués le consommateur pertinent va attribuer au signe et si au-delà de cette signification, le consommateur percevra ce signe comme l’informant sur l’origine commercial de ces produits.
L’appréciation du caractère distinctif d’un signe est opérée, d’une part, par rapport à la compréhension qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services concernés.
Les produits visés, des articles pour fumeur, s’adressent au grand public, les termes composant le signe déposé sont couramment employé tant en français qu’en anglais. Le consommateur pertinent est donc bien, comme le soutient la demanderesse, le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif.
L’examen du caractère distinctif du signe ne peut en outre s’opérer uniquement au regard des produits tel que revendiqués dans la demande de MUE.
Cela signifie d’une part que l’usage réel par la demanderesse du signe ne peut pas être pris en compte, et que d’autre part le seul usage qui doit être pris en compte est celui du signe déposé pour désigner les produits revendiqué, que ce soit apposé sur les produits eux-mêmes, sur leurs emballages, mais aussi dans des documents promotionnels les concernant, comme des publicités.
Dès lors, on ne peut pas exclure que ce signe puisse être utilisé en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits visés par cette marque et le seul fait que les produits soient ainsi marqués n’empêche pas le consommateur de les percevoir comme un slogan publicitaire.
Les produits visés, des liquides pour différents types d’articles pour fumeurs, ont notamment pour caractéristique d’avoir une saveur qui peut être aux fruits.
Ainsi, le signe apposé sur les produits revendiqués sera directement et facilement appréhendé par le consommateur que comme indiquant que ces produits sont « cool » et sont aux « fruits ».
L’expression est grammaticalement correcte pour la langue anglaise et prend pleinement son sens en relation avec les produits revendiqués dans la demande. Le signe a donc bien une signification pour le consommateur anglophone.
A cet égard, la proposition de traduction de la demanderesse « cool and fruity » signifie « excellent et fruité », et non « excellents et aux fruits ». Il s’agit donc d’un tout autre signe.
En français, en effet, il manque l’article « aux » avant le mot et l’utilisation du diminutif anglophone « n’ » est peu orthodoxe.
Néanmoins, les slogans publicitaires sont souvent écrits sous une forme simplifiée, de manière à les rendre plus concis et plus percutants (arrêt du 24/01/2008, T-88/06, Safety 1st, EU:T:2008:15, § 40). Ainsi, l’absence d’éléments grammaticaux tels que des articles définis ou des pronoms (LE, IL, etc.), des conjonctions (OU, ET, etc.) ou des prépositions (OU, POUR, etc.) ne suffit pas pour conférer un caractère distinctif au slogan.
Sur cette base, l’Office soutient que la construction particulière du signe en cause « COOL N’ FRUIT » n’est donc pas à même de détourner l’attention du consommateur francophone du sens premier de cette expression : « excellent et aux fruits »
Concernant, enfin, l’argument de la demanderesse tenant aux différentes significations du terme « Cool », ce terme a en effet plusieurs significations en anglais, dont l’une est celle indiquée dans la notification jointe : « excellent; marvellous », traduit librement en français comme suit : « excellent, merveilleux » (informations extraites du dictionnaire anglais Collins le 28/09/2018 à https://www.collinsdictionary.com/dictionary/english/cool).
Mais, il doit être rappelé que :
pour refuser un enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, point c), du RMUE, il n’est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés.
(23/10/2003, C‑191/01 P, Doublemint, EU:C:2003:579, § 32, soulignement ajouté).
Cette jurisprudence, qui a d’abord été développée dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du RMUE, est également applicable, par analogie, à l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement (29/04/2010, T 586/08, BioPietra, EU:T:2010:171, § 35).
Par conséquent, le fait que le terme cool est plusieurs significations ne confère donc pas au signe dans son ensemble un caractère distinctif, dès lors que dans au moins l’un de ses sens, il est dénue de caractère distinctif à l’égard des produits désignés comme cela a déjà été démontré en l’espèce.
Au demeurant, si le terme devait être compris comme signifiant « frais, fraîche », il mettrait à nouveau en lumière une qualité attendu des produits, d´être frais.
Le terme cool ne prend la signification « d’indiffèrent », « calme », « mesuré » que pour qualifier des êtres vivants, et de « léger » que pour qualifier des vêtements. Le consommateur confronté à un produit qui ne peut être qualifié ainsi ne pensera pas à ces significations mais uniquement à celle présentant un lien avec ce produit.
En français, le terme « cool » est un anglicisme qui n’a que le sens indiqué par l’Office dans la notification jointe à savoir :
« Fam. (langage des jeunes). Agréable, excellent, sympathique (choses). ➙ 2. Chouette, 3. super, sympa. Elle est cool, sa nouvelle caisse. » (informations extraites du dictionnaire anglais Le Grand Robert de la langue française le 28/09/2018 à https://gr.bvdep.com/robert.asp).
Ainsi, le signe déposé dans son ensemble, « COOL N’ FRUIT » sera compris par le consommateur de langue anglaise et de langue français comme un slogan, vantant les produits ainsi désignés en les traitant de cool et en indiquant qu’ils sont aux fruits.
Il ne contient aucun éléments, ni dans les mots qui le composent ni dans la façon dont ils sont agencés ensemble qui permettrait au public pertinent de percevoir dans le signe, au-delà de cette information promotionnelle, une indication d’origine commerciale particulière.
Par conséquent, il ne sera pas apte à remplir la fonction essentielle d’une marque, à savoir distinguer les produits désignés d’une entreprise des produits tout aussi cool et aux fruits d’autres entreprises.
Pour les motifs qui précèdent, et conformément à l’article 7, paragraphe 1, point b), et paragraphe 2, du RMUE, par la présente la demande de marque de l'Union européenne nº 17 949 616 est rejetée pour tous les produits revendiqués.
Conformément à l’article 67, du RMUE, vous pouvez former un recours contre la présente décision. Conformément à l’article 68, du RMUE, le recours doit être formé par écrit auprès de l’Office dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la présente décision. Il doit être déposé dans la langue de procédure de la décision attaquée. En outre, un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de cette même date. Le recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours de 720 EUR.
Brice LAUGIER