DIVISION D’ANNULATION




ANNULATION Nº 27 782 C (DÉCHÉANCE)



1906 Collins LLC, 999 Brickell avenue, suite 600, Miami, Florida 33131, Etats-Unis d’Amérique (demanderesse), représentée par Armengaud & Guerlain SEP, 12, avenue Victor Hugo, 75116 Paris, France (représentant professionnel)


c o n t r e


Peace United, LTD, 1 St Floor, 26 Fouberts Place, Londres W1F 7PP, Royaume-Uni (titulaire de la marque de l’Union européenne), représentée par Legabrand, Patricia Bismuth, 41, rue Papety, 13007 Marseille, France (représentant professionnel).



Le 05/12/2019, la division d’annulation rend la présente



DÉCISION


1. La demande en déchéance est confirmée.


2. La titulaire de la marque de l’Union européenne est entièrement déchue de ses droits sur la marque de l’Union européenne n° 11 352 804 à compter du 21/09/2018.


3. La titulaire de la marque de l’Union européenne supporte les frais fixés à 1 080 EUR.



MOTIFS


La demanderesse a déposé une demande en déchéance de la marque de l’Union européenne nº 11 352 804 « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » (marque verbale) (la marque de l’Union européenne). La demande est dirigée contre tous les produits et services couverts par la marque de l’Union européenne, à savoir:


Classe 25: Vêtements notamment manteaux, blousons, imperméables, cape de pluie, parkas, costumes, vestes, blouses, pantalons, jeans, shorts, bermudas, robes, jupes, jupons, tee-shirts, débardeurs, chandails, pulls, chemises, gilets, sweat-shirts, pantalons de survêtement, leggings, vestes de survêtement, maillots de bain, vêtements de plage, lingerie, sous-vêtements, pyjamas, robes de chambre, peignoirs, chaussettes, collants, foulards, écharpes, étoles, cravates, bavoirs en textile, ceintures, bretelles, bandeaux pour la tête, gants, chapellerie, casquettes, chaussures, chaussures de plage, de ski ou de sport, bottes de pluie, sabots, souliers, pantoufles.


Classe 41: Service de divertissement, service de loisir, organisation de spectacles et de soirées (divertissement), organisation et conduite de concerts et d'événements musicaux, services d'artiste de spectacle, organisation de concours et jeux en matière de divertissement, exploitation de salle de jeux, activités culturelles et sportives, production de films, production de spectacles, services de discothèques, services de jeux proposés en ligne à partir d'un réseau informatique.


Classe 43: Service de restauration, service de traiteur, organisation de banquets, bars, restaurants, salons de thé, location de salles, services hôteliers, services d'hébergement temporaire, services de réservation de chambres d'hôtels pour voyageurs, information en ligne concernant ces services à partir d'une base de données ou Internet, conseils dans les domaines de l'hôtellerie et de la restauration.


La demanderesse a invoqué l’article 58, paragraphe 1, point a), du RMUE.



RÉSUMÉ DES ARGUMENTS DES PARTIES


La demanderesse déclare que la marque contestée n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans dans l’Union européenne pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée.


Le 30/11/2018, la titulaire de la marque de l’Union européenne a présenté des preuves de l’usage de la marque contestée (lesquelles seront listées et analysées ci-dessous dans la décision) et sollicite l’irrecevabilité ou le rejet de la demande en déchéance.


S’agissant de l’irrecevabilité de la demande, la titulaire prétend qu’en sa qualité d’ex-licencié et suivant les termes du contrat de licence du 01/08/2011, la demanderesse ne peut contester l’existence des marques de la titulaire. Il s’agirait d’un manquement à ses obligations contractuelles et à sa garantie d’éviction. De plus, la demanderesse n’aurait aucun intérêt à agir dans la mesure où la marque est exploitée, sous licence exclusive, par la société BAOLI SAS, ce que n’ignore pas la demanderesse. En tout état de cause, la déchéance de la marque contestée n’aurait pas pour effet de rendre le signe disponible en raison de dépôts antérieurs nationaux et européens.


Sur le fond, la titulaire affirme que la marque contestée a été donnée en licence pour une exploitation en France. Cette marque est exploitée pour promouvoir l’activité de l’établissement BAOLI, qui est un lieu connu de restauration, bar et soirées (discothèques). En l’espèce, la marque ne porte pas sur un produit générant un chiffre d’affaires calculé sur un volume de vente, mais sur un service, un bien immatériel pour lequel il n’existe pas de chiffre d’affaires isolé se rapportant uniquement à l’exploitation de cette marque. C’est la raison pour laquelle, la titulaire n’est pas en mesure de fournir un document comptable se rapportant exclusivement à un chiffre d’affaires généré par cette marque.


Elle ajoute que le licencié de cette marque, la société BAOLI SAS, qui exploite un lieu de restauration, organise régulièrement des soirées, spectacles, évènements musicaux, ciblant les femmes célibataires, dénommés « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN », pendant lesquels un service de consommation de produits alimentaires, boissons, services de bar, est assuré. La marque est aussi apposée sur des tee-shirts. L’usage des produits et services des classes 25, 41 et 43 est donc réel. Les éléments de preuve fournis donnent des indications sur le lieu : France / Cannes, la durée, la nature de l’usage: vêtements, soirées de divertissement, concerts, spectacles / fourniture de denrées alimentaires et boissons. La marque « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » connait un réel succès et a une réelle valeur économique et ce depuis des années. L’usage continu depuis plus de 10 ans est largement suffisant pour permettre d’affirmer que des parts de marché ont été créées et que compte tenu du succès toujours vif que connait cette marque, sa position commerciale s’est maintenue sur le marché en cause.


En réponse, la demanderesse considère que les pièces fournies sont impropres à démontrer un usage sérieux de la marque. Elle maintient que la demande est recevable et sollicite que la déchéance soit prononcée dès le 18/04/2018. Elle ajoute que seul l’usage de la marque par la titulaire ou par un tiers avec le consentement de la titulaire peut constituer une preuve d’usage de la marque de nature à faire échec à une action en déchéance. Ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. La demanderesse revient sur chacun des éléments de preuve et relève leurs insuffisances. Elle soutient que l’expression composant la marque contestée est descriptive et ne peut par conséquent permettre d’identifier l’origine des produits et services. Elle affirme qu’il n’existe pas de preuve pour les services de restauration et que les pièces transmises ne permettent pas d’établir l’usage sérieux des autres produits et services en particulier au regard de l’appréciation quantitative de l’usage. Elle fournit des documents à l’appui de ses allégations, que la Division d’annulation ne juge pas utile de lister.


La titulaire maintient que l’action en déchéance doit être déclarée irrecevable et que le point de départ du calcul des cinq ans est la date à laquelle la demande en déchéance a été présentée, à savoir le 21 septembre 2018. La titulaire présente un contrat de licence pour démontrer qu’il existe une autorisation d’usage entre la titulaire et le licencié (la société Bâoli SAS). Elle maintient que l’appréciation de l’importance de l’usage (au sens de quantité) est une condition à écarter, au regard de la nature des produits et services couverts par la marque. « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » est une marque de services, de ce fait la titulaire considère qu’elle n’est pas en mesure d’apporter des éléments relatifs à la quantité de services fournis par la marque. Les soirées « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN », comme le démontrent les pièces produites, sont organisées dans des lieux de restauration et bars, où, à cette occasion des boissons et de la nourriture sont consommées. Par conséquent, l’usage pour les services de restauration serait démontré.


Après la clôture de la procédure, la demanderesse a demandé à pouvoir présenter des observations sur le contrat de licence apporté par la titulaire lors de sa dernière réponse.



MOTIFS DE LA DÉCISION


Conformément à l’article 58, paragraphe 1, point a), du RMUE, la titulaire d’une marque peut être déchue de ses droits, sur demande présentée auprès de l’Office, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.


Il y a « usage sérieux » d’une marque lorsque celle-ci est utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits ou services. L’usage sérieux d’une marque suppose une utilisation effective de cette marque sur le marché des produits et services pour lesquels elle a été enregistrée, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque et des usages exclusivement internes (11/03/2003, C‑40/01, Minimax, EU:C:2003:145, § 35‑37, 43).


Il convient de prendre en considération, dans l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de son exploitation commerciale, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque (11/03/2003, C‑40/01, Minimax, EU:C:2003:145, § 38). Cependant, la disposition exigeant l’usage sérieux de la marque antérieure «ne vise ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes» (08/07/2004, T‑203/02, Vitafruit, EU:T:2004:225, § 38).


En vertu de l’article 19, paragraphe 1, du RDMUE en combinaison avec l’article 10, paragraphe 3, du RDMUE, les indications et pièces visant à apporter la preuve de l’usage portent sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage de la marque antérieure pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée.


Ces exigences en matière de preuve de l’usage sont cumulatives (05/10/2010, T‑92/09, STRATEGI / Stratégies, EU:T:2010:424, § 43).


Dans les procédures en déchéance fondées sur le non-usage, la charge de la preuve incombe au titulaire de la marque de l’Union européenne. En effet, on ne saurait attendre de la demanderesse qu'elle prouve une négation, à savoir que la marque n'a pas été utilisée au cours d'une période ininterrompue de cinq ans. Il incombe donc au titulaire de la marque de l’Union européenne de prouver l’usage sérieux au sein de l’Union européenne ou de présenter des motifs valables de non-usage.


Dans le cas présent, la marque de l’Union européenne a été enregistrée le 18/04/2013. La demande en déchéance a été déposée le 21/09/2018. Par conséquent, la marque de l’Union européenne avait été enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de dépôt de la demande. Contrairement à ce qu’indique la demanderesse dans ses observations, la titulaire de la marque de l’Union européenne devait prouver l’usage sérieux de la marque de l’Union européenne contestée au cours de la période de cinq ans précédant la date de la demande en déchéance, soit du 21/09/2013 au 20/09/2018 inclus, pour les produits et services contestés énumérés dans la section « Motifs » ci-dessus.


La titulaire de la marque de l’Union européenne a présenté la preuve de l'usage le 30/11/2018.


Les éléments de preuve qui seront pris en considération se composent des documents suivants:


  • Pièce n° 1 : Contrat de licence de marque daté du 01/08/2011 entre la demanderesse et la société Bâoli SAS par lequel cette dernière autorise la demanderesse à utiliser le nom de la soirée à thèmes « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » pendant toute la durée du contrat.

  • Pièce n° 2 : Extrait du site internet https://www.lafourchette.com imprimé le 29/11/2018 faisant référence au restaurant Bâoli Cannes. Il n’est pas fait mention de la marque contestée.

  • Pièce n° 3 : Photo d’une jeune femme portant un tee-shirt sur lequel apparait le signe contesté. L’expression « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » est également le titre de l’article accompagnant la photographie. Ni la source, ni la date du document ne sont précisées.

  • Pièces 4 et 5: Captures d’écran du site Facebook du restaurant « Bâoli Cannes » datés d’avril 2013 et de printemps/été 2013. Soit antérieurement à la période pertinente. Plusieurs photos de l’évènement « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » ont été regroupées sur le site. On peut deviner la présence d’une affiche publicitaire citant la marque. On peut également noter qu’une cliente de l’établissement porte un tee-shirt sur lequel la marque est inscrite et d’autres clientes arborent des éventails à l’effigie de la marque.

  • Pièce 6 : Extrait du site tripadvisor, un commentaire d’un internaute daté de septembre 2013 porte sur le restaurant « Le Bâoli » et cite la soirée « My Boyfriend is out of town ».

  • Pièces 7 à 9 : Captures d’écran du site Facebook du restaurant « Bâoli Cannes ». Plusieurs photos de l’évènement (26 photos) « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » organisé en août 2014 ont été regroupées dans l’album éponyme. La marque est présente sur toutes les photos.

  • Pièce 10 : Captures d’écran du site Facebook du licencié français; y figure l’affiche publicitaire de l’évènement « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » en date du 22 février 2014 au restaurant « Bâoli Cannes ».

  • Pièce 11 : Parution publicitaire sur laquelle est reproduite la marque contestée, datée du 10/01/2014.

  • Pièces 12: Capture d’écran du site Facebook du restaurant « Bâoli Cannes » datée de juillet 2015.

  • Pièce 13 : Résultats d’une recherche sur le moteur de recherche Google portant sur l’expression « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » donnant 183 000 000 résultats (1 page). Sur les 9 résultats listés 8 font référence à l’établissement Bâoli situé à Miami et seulement 1 à Cannes.


Preuve transmise le 20/06/2019 :


  • Pièce n° 14 : Contrat de licence de marque daté du 13/01/2017 entre la titulaire et la société Bâoli SaS.



Remarque préliminaire


La titulaire soutient que la demande en déchéance est irrecevable en raison de relations contractuelles existant entre les parties et parce que la demanderesse n’aurait pas d’intérêt à agir.


L’article 63, paragraphe 1, point a) du RMUE dispose notamment qu’une demande en déchéance ou en nullité de la marque de l'Union européenne peut être présentée auprès de l'Office dans les cas définis aux articles 58 et 59, par toute personne physique ou morale.


La jurisprudence établit qu’un intérêt à agir n’est pas requis dans le cadre d’une demande en déchéance (03/12/2009, T‑223/08, Bahman, EU:T:2009:481, § 23) et que l’article 63 RMUE ne subordonne ni la recevabilité ni le bien-fondé d’une demande en déchéance à la bonne foi du demandeur en déchéance (même arrêt § 26).


En tout état de cause, il n’appartient pas à l’Office de se prononcer sur l’éventuel manquement aux obligations contractuelles de la demanderesse.


Par conséquent, la présente demande en déchéance doit être considérée comme étant recevable et l’argument de la titulaire doit donc être rejeté.


Recevabilité de la preuve supplémentaire reçue le 20/06/2019 (contrat de licence entre la titulaire et l’entreprise « Baôli SAS », visant à prouver le consentement de la titulaire à l’usage de la marque).


La titulaire a fourni le contrat en question après l’expiration du délai qui lui avait été fixé pour produire sa réponse à la demande en nullité, en réponse aux observations de la demanderesse sur les preuves initialement déposées.

Le contrat a été transmis à la demanderesse. Le 05/07/2019, la demanderesse a répondu qu’elle souhaitait bénéficier d’un délai afin de commenter la preuve en question.


Conformément à l’article 19, paragraphe 1, du RDMUE, la titulaire doit présenter les preuves de l’usage dans un délai fixé par l’Office.


L’article 10, paragraphe 7, du RDMUE (applicable à la procédure d’annulation en vertu de l’article 19, paragraphe 1, du RDMUE) invite expressément l’Office à exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 95, paragraphe 2, du RMUE, si des éléments de preuve pertinents ont été présentés en temps voulu et si des pièces supplémentaires ont été déposées après l’expiration de ce délai.


Lors de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, l’Office doit tenir compte du stade de la procédure, de la question de savoir si les faits ou les preuves soumis tardivement sont susceptibles d’être pertinents pour l’issue de la décision, et de l’existence de raisons valables justifiant leur présentation tardive.


En l’espèce, le fait que la demanderesse ait contesté les preuves initiales produites notamment en ce qui concerne l’absence de preuve du consentement de la titulaire à l’usage par un tiers justifie la présentation de la nouvelle preuve, qui vient ainsi à l’appui de la référence à ce contrat dans la première réponse de la titulaire. La division d’annulation décide ainsi de tenir compte de la preuve supplémentaire en question.


Toutefois, dans la mesure où la question de savoir si la titulaire était censée apporter la preuve de son consentement n’est pas décisive dans le cas d’espèce, la prise en compte de la preuve supplémentaire n’a aucun impact sur l’issue de la procédure. Par conséquent, la division d’annulation ne juge pas utilise d’accorder un délai supplémentaire à la demanderesse pour lui permettre de formuler ses observations sur la preuve en question et donc, de rouvrir la procédure contradictoire. La prise en compte de la preuve ne porte en effet pas préjudice aux intérêts de la demanderesse.



Appréciation de l’usage sérieux – facteurs


Importance de l’usage


En ce qui concerne l’importance de l’usage, la jurisprudence constante dispose qu’il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’usage global ainsi que de la durée de la période pendant laquelle la marque a été utilisée et de la fréquence de l’usage (par exemple, 08/07/2004, T‑334/01, Hipoviton, EU:T:2004:223, § 35). De même, la portée territoriale de l’usage est seulement un des nombreux facteurs à prendre en compte, ainsi la portée territoriale limitée de l’usage peut être contrebalancée par un volume ou une durée de l’usage plus importante.


Les preuves ne doivent pas être appréciées dans l’absolu mais doivent l’être en rapport avec les autres facteurs pertinents. Dans cette perspective, il convient d'examiner les éléments de preuve par rapport à la nature des produits et services et à la structure du marché pertinent (30/04/2008, T‑131/06, Sonia Sonia Rykiel, EU:T:2008:135, § 53).


Plus le volume commercial de l'exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que la titulaire de la marque de l’Union européenne apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l'usage (08/07/2004, T‑334/01, Hipoviton, EU:T:2004:223, § 37).


En outre, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (30/11/2009, T-353/07, Coloris, EU:T:2009:475, § 24).


C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si la titulaire a apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque de l’Union européenne pour les produits et services contestés.


En l’espèce, la titulaire n’a pas fourni d’indications concernant l’importance de l’usage de la marque telles que son chiffre d’affaires, le volume total des transactions, le montant du budget publicitaire ou d’autres documents comptables qui auraient pu donner des indications concrètes quant au volume commercial de la marque. Même si dans certaines circonstances, des preuves circonstancielles et indirectes (comme par exemple des catalogues) peuvent suffire pour prouver l’importance de l’usage, dans le cas présent les preuves fournies, qui sont majoritairement des captures d’écran du site Facebook, n’apportent aucun élément qui permettraient de démontrer l’importance de l’usage dans le cadre d’une appréciation globale.


La titulaire prétend que sa marque ne porte pas sur un produit générant un chiffre d’affaires calculé sur un volume de vente, mais sur un service, un bien immatériel pour lequel il n’existe pas de chiffre d’affaires isolé se rapportant uniquement à l’exploitation de cette marque. C’est la raison pour laquelle, elle n’est pas en mesure de fournir un document comptable se rapportant exclusivement à un chiffre d’affaires généré par cette marque. Or, s’il est vrai que les marques ne peuvent pas être directement utilisées « sur » des services, l’usage pour des services peut tout de même être prouvé en apportant des documents commerciaux, des publicités ou tout autre support lié directement ou indirectement aux services (par exemple factures, publicités, cartes de visite ou correspondance professionnelle). L’utilisation du signe sur ces documents aurait été suffisante dès lors qu’elle atteste un usage sérieux. Or, en l’espèce, la titulaire n’a pas apporté de tels documents.


En l’espèce, la portée territoriale de l’usage est réduite à un établissement en France. La fréquence et la durée de l’usage de la marque sont peu importantes. La titulaire a fourni des preuves qui ne font référence, au mieux, qu’à 4 événements sur une période de 2 ans (17 janvier, 22 février et août 2014 et juillet 2015). Les évènements du Printemps/été 2013 ont eu lieu avant la période pertinente et ne sont donc pas pris en considération. Les autres documents qui consistent en une publication sur les réseaux sociaux de photographies ou qui font référence à la promotion d’une soirée « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » n’apportent aucun élément permettant de quantifier l’usage. Par ailleurs, il doit être relevé que les deux extraits faisant référence à la promotion de la soirée ne permettent même pas de s’assurer que celle-ci a bien eu lieu. En outre, les extraits Facebook mentionnant la marque contestée comptabilisent un très faible nombre de « j’aime » (entre 2 et 23) témoignant d’un rayonnement extrêmement limité de la marque. Enfin, il doit être pris en considération que le marché des vêtements, divertissement et restauration est un marché de masse destiné au grand public pour lequel un usage relativement important est attendu.


Par conséquent, l’importance de l’usage très limité de la marque n’est pas compensée par d’autres facteurs, tels qu’une portée géographique étendue, une grande fréquence ou une longue durée. Il résulte de ce qui précède que les éléments de preuve fournis par la titulaire, même appréciés globalement, n’établissent pas à suffisance l’importance de l’usage de la marque contestée dans l’Union européenne.


A titre surabondant, au-delà de la question de l’importance de l’usage, les preuves apportées sont manifestement insuffisantes en relation avec un autre aspect de l’examen à savoir l’usage en tant que marque.



Nature de l’usage: usage en tant que marque


Le facteur de la nature de l’usage exige, entre autres, que la marque de l’Union européenne soit utilisée en tant que marque, c’est-à-dire pour identifier l’origine commerciale des produits et services en cause et permettre ainsi au public pertinent de distinguer ces produits et services de ceux d’autres entreprises.


En effet, il est nécessaire, eu égard au nombre de marques enregistrées et aux conflits susceptibles de surgir entre elles, de ne reconnaître le maintien des droits conférés par une marque pour une classe donnée de produits ou de services que lorsque cette marque a été utilisée sur le marché des produits ou services de cette classe (15/01/2009, C‑495/07, Wellness, EU:C:2009:10, § 19).


En l’espèce, il ressort de la preuve fournie que l’expression « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » est utilisée dans le cadre d’organisation de soirées, service pour lesquels la marque est enregistrée dans la classe 41.


L'examen des preuves soumises par la titulaire de la marque de l’Union européenne conduisent la division d’annulation à conclure que l’expression « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » n’est pas utilisée en tant que marque.


Il ressort en effet des documents apportés que le signe tel qu’utilisé n’est pas susceptible d’être perçu par le public pertinent comme indiquant l’origine commerciale des services d’organisation de soirées ou plus largement de divertissement, mais comme le nom d’un événement récurrent qui a lieu dans le restaurant/club « Bâoli ». L’expression indique en fait le thème d’une soirée organisée dans les locaux du restaurant/club « Bâoli ». Ceci ressort clairement des observations de la titulaire et de l’article 9 du contrat de licence (pièce n°1) vu en conjonction avec la pièce n° 3.


De plus, les documents montrent que, sur les réseaux sociaux, l’expression « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » est systématiquement utilisée en combinaison avec le terme « Bâoli », et c’est ce dernier qui sera perçu comme la marque ou indicateur de l’origine commerciale des services d’organisation de soirées ou de divertissement en question.


Ainsi, les preuves ne démontrent pas un usage conforme à la fonction essentielle d’une marque, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou service pour lesquels elle a été enregistrée (arrêt du 11/03/2003, C-40/01, Minimax, EU:C:2003:145, § 43) en vue de les distinguer de services fournis par d’autres entreprises, mais d’un usage comme titre, ou indication du thème/contenu de ces services visant à les distinguer d’autres services du même type fournis par la même entreprise sous un autre titre/dont la thématique (les codes) sont différents.


Par conséquent, les preuves n’indiquent pas un usage de l’expression « MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN » comme marque.


Appréciation globale


Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (08/07/2004, T‑334/01, Hipoviton, EU:T:2004:223, § 36).


En l’espèce, une appréciation globale des éléments de preuve ne permet pas de conclure, à moins de recourir à des probabilités ou à des présomptions, que la marque litigieuse a fait l’objet d’un usage sérieux au cours de la période pertinente pour les produits pertinents (15/09/2011, T‑427/09, Centrotherm, EU:T:2011:480, § 43).


Les modalités et les moyens de preuve de l’usage sérieux d’une marque ne sont pas limités. La conclusion selon laquelle l’usage sérieux n’a pas été prouvé en l’espèce n’est pas due à l’exigence d’un seuil de preuve excessivement élevé, mais au fait que la titulaire de la marque de l’Union européenne a choisi de restreindre la production de preuves (15/09/2011, T‑427/09, Centrotherm, EU:T:2011:480, § 46).



Conclusion


Il ressort de ce qui précède que la titulaire de la marque de l’Union européenne n’a pas démontré l’usage sérieux de la marque de l’Union européenne pour les produits et services pour lesquels elle a été enregistrée.


En conséquence, il est accédé entièrement à la demande de déchéance et la titulaire de la marque de l’Union européenne contestée doit être déchue intégralement de ses droits.


Conformément à l'article 62, paragraphe 1, du RMUE, la marque de l’Union européenne doit être réputée n'avoir pas eu, à compter de la date de la demande en déchéance, les effets prévus par le RMUE.


Il convient par conséquent de déchoir entièrement la titulaire de la marque de l’Union européenne de ses droits et de considérer que ces droits sont sans effets à compter du 21/09/2018.


La demanderesse demande que la déchéance de la marque de l’Union Européenne soit fixée au 18/04/2018 soit 5 ans après l’enregistrement de la marque contestée.


Une date antérieure à laquelle est survenue l’une des causes de la déchéance peut être fixée par l’Office sur demande d’une partie, à la condition que ladite partie justifie d’un intérêt juridique légitime à cet effet. Sur la base des informations disponibles versées au dossier concerné, il doit être possible de déterminer la date antérieure avec précision. En tout état de cause, et en application de l’article 15 du RMUE, la date antérieure doit être fixée après le « délai de grâce » de cinq ans dont jouit la titulaire de la MUE au terme de l’enregistrement d’une MUE (voir décision du 28/07/2010, 3 349 C, Alphatrad, confirmée par la décision du 08/10/2012, R 0444/2011-1, § 48-50, et l’arrêt du 16/01/2014, T-538/12 Alphatrad, EU:T:2014:9).


En l’espèce, la demanderesse s’est bornée à solliciter que la date de la déchéance soit fixée au 18/04/2018 au motif qu’il s’agit de la fin de la période de grâce de 5 ans dont bénéficie la marque contestée mais n’a pas démontré l’existence d’un intérêt juridique. Ainsi, faisant usage de son pouvoir discrétionnaire en la matière, la division d'annulation estime qu'il n'est pas opportun d'accéder à cette requête dans le cas présent.


FRAIS


En vertu de l'article 109, paragraphe 1, du RMUE, la partie perdante d'une procédure d'annulation supporte les taxes ainsi que les frais exposés par l'autre partie.


Étant donné que la titulaire de la marque de l’Union européenne est la partie perdante, elle doit supporter les frais d'annulation ainsi que les frais exposés par la demanderesse au cours de cette procédure.


En vertu de la règle 109, paragraphes 1 et 7, du RMUE et de l’article 18, paragraphe 1, point c), sous ii), du REMUE, les frais à payer à la demanderesse sont la taxe d'annulation et les frais de représentation, fixés sur la base du tarif maximal visé dans ces dispositions.




La division d’annulation


Julie, Marie-Charlotte HAMEL

Richard BIANCHI

Frédérique SULPICE



Conformément à l’article 67 du RMUE, toute partie lésée par cette décision peut former un recours à son encontre. Conformément à l’article 68 du RMUE, le recours doit être formé par écrit auprès de l’Office dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la présente décision. Il doit être déposé dans la langue de procédure de la décision attaquée. En outre, un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de cette même date. Le recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours de 720 EUR.




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